Du jamais vu : c’est clair.

De 100 % de travail à 0 % en un jour. La bascule du confinement. Et le sens dans tout ça ? L’avez-vous enfin trouvé, le cherchiez-vous ? Vous en foutez-vous ? Il n’y a pas toujours de sens à suivre. On peut enfin se poser 2 secondes sans raison, sans justification : quoi de plus innovant ces dernières années ? Du jamais vu, c’est clair.

Et si le progrès c’était de savoir ralentir ?

Si l’opportunité de pouvoir se poser des questions de fond se présentait à vous ça changerait quoi ? Quelle est la dernière fois où vous avez pris une décision consciemment en vous engageant à 100 % après moulte réflexion ? … Sérieusement ? Jamais ? Il y a 2 ans ? Il y a 22 ans ?

N’attendez plus : interrogez-vous. Comment ? A propos de quoi ? Sur ce que vous désirez ? Vous ne savez plus ce que vous voulez ? Il est bien là le problème non ?

Si certains n’ont pas besoin de quête de sens, d’autres en font leur cheval de bataille. Sans cet élément, le manque d’intérêt de chaque action qui émane de tout un projet, ne stimule rien d’autre que vos collègues et vous pourrissez sur place en tournant en rond. Pas cool.

Quel serait alors le détail qui changerait tout ? La tendance à imaginer l’après confinement comme un renouveau vivifiant pullule dans tous les cerveaux, paradoxalement durant une période ralentie, mais ça carbure à fond. Et après ? T’as prévu quoi toi pour ton premier jour de déconfinement ? Nous avons le temps de nous poser la question, de nous poser plein de questions ! C’est nouveau ça.

Et hop ! Tandis que nous avions prévu d’acheter un château en Espagne, de dessiner des moutons, de regarder toute la liste de webinars créée le 17 mars, de visiter tous les musées du monde en vidéo, ainsi que les opéras et théâtres, de faire du yoga, du sport, des abdos, d’appeler la famille, de rappeler la famille : HOP ! Le ralentissement net du « j’ai la flemme » s’abat sur nous, et nous ôte toute intention.

Ha mince… ! J’y avais cru à mes intentions, mes plans, mon planning hebdomadaire, mon envie, mon ambition : ils sont passés où tous ?

Ok, je ralentis. C’est pas la peine de courir partout, de vouloir tout faire, de vouloir faire comme tout le monde, de vouloir remplir son agenda. Je le laisse vide, je ralentis 2 secondes. C’est clair, dans nos sociétés, cela est un progrès.

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Surcomplet Luchini

Des écrivains parlent d’argent, Fabrice LUCHINI – seul en scène, 2018.

Venez mesdames, asseyez-vous là. Ha non pardon ! Excusez-moi… Venez plutôt par ici, heu par là-bas pardon !!! Hmmm… Allez voir en haut plutôt !

 Le thème du spectacle prend place, avant même que j’ai la mienne. « Mais, madame, j’ai payé mes places pour le 2eme rang, pas pour être au fond à gauche… C’est que je voulais le voir du plus près possible ce comédien, de sentir sa forte vibration, de le voir postillonner oui oui ! Monsieur, excusez-moi, sans faire de proposition indécente : puis-je m’asseoir sur vos genoux ? Qu’en pensez-vous, vous, sa femme qui êtes assise à ma place ? Je sais bien que ça n’est pas de votre faute, la mienne non plus ! ». Pourquoi eux sont là et moi j’irais ailleurs, ou en haut ? C’est une blague ? Bouillonnais-je intérieurement ; 20h02 les lumières s’éteignent, pas le choix que d’aller au fond. Les 1 euros que j’avais préparés pour l’ouvreuse sont restés bien au fond de ma poche. Elle qui avait prévu de quémander au cas où, on ne saurait pas que c’est ainsi qu’ils sont rémunérés, n’a rien dit non plus. Tout commence enfin : « L’argent rend fous les gens ! ».

Il n’y avait pas de plus belle entrée pour le spectateur, que de vivre dans la matière, les 5 minutes avant le début, le propos de tout le spectacle. La frustration de se retrouver à une place de 28 euros, au lieu de, celle de 61 euros, fond dans les premiers applaudissements, et ne m’embarrasse plus à savoir si j’en aurais pour mon argent.

Surcomplet le spectacle, surcomplet le comédien, pour ne pas dire parfait. Soirée prolongée d’un quart d’heure, de textes, de styles qui vivent dans sa bouche, qu’il exprime dans tout son être, si généreux, si puissant, qu’on ne se lasse pas de l’entendre et de l’observer en train de proclamer tous ces auteurs. 02 heures au total que l’on ne voit pas passer, c’est dire. L’inconfort habituel d’une chaise qui au bout d’une heure nous fait plier les jambes pour les distraire, ne se sent pas. La bête noire qui parfois peut être distraite, s’endormir, ou tousser, se tait tout entière, patiente, à l’écoute, vibrant avec lui à travers ces mots qu’il fait danser. Il me semblait que nous formions toute une oreille unanime, tant nous étions sérieux et disciplinés dans notre attention. C’est le chef-d’œuvre du comédien qui coupe le souffle à la salle, qui loin de s’éteindre, reçoit toute cette énergie et qui s’appliquerait presque en silence à emmagasiner le bien-être reçu, pour en garder pour le restant de la semaine, tant il en a à revendre cet homme-là, cette légende vivante. C’est une expérience à vivre que de le voir sur scène. Qu’est-ce que cela peut bien lui faire d’être considéré ainsi ? Il s’en fiche pour sûr, mais il faut bien qu’il sache qu’on l’aime. Ce qui l’intéresse c’est le style, le mouvement de la parole, la construction établie et la nouvelle forme de la langue française créée et partagée par des génies de la plume. Il faut commencer à prendre vos places pour 2023 sans trop attendre, car ça sera sûrement surcomplet et à vivre sur les genoux d’un inconnu, sans rire, ça serait le nouveau prix à payer, plus cher que l’argent.

La loi du temps

Rugosité soudaine, le confinement irrite la France. Le temps perd son emprise sur nos obligations quotidiennes et la renforce soudainement, et ce, à son gré. Cette oscillation de l’humeur rend nos journées tonitruantes et douces à la fois. L’injonction de liberté nous affole, nous rend apathique quand soudain : Eurêka ! La créativité l’emporte chez les plus contemplatifs.

Il y a ces tempéraments qui n’agissent que par la force des choses. Le moment idéal n’existe pas, mais celui que l’on traverse est bénéfique pour certaines personnes au caractère frileux.

Il y a ceux qui s’emploient à fusionner avec leurs écrans dans une E-réalité. Et ceux qui ont le plaisir de s’endormir devant des chefs-d’œuvre du 7e art.

Il y a ceux qui se lancent des défis, et ils ne sont pas toujours très intelligents (les défis, pas les gens). On ne peut pas juger, ni savoir qui a lancé l’idée. Le voisin à côté de chez toi ? Quelqu’un qui bravait l’ennui à l’autre bout de la France ? Ou bien, à l’autre bout du monde ? Les vidéos « drôles » boostent le trafic. On veut rire tout au long de la journée. Pour un rien, on rigole ! Ce léger éclat nous galvanise pour le reste de la soirée que l’on passe devant la télé.

Il y a d’autres genres de défi à « régler »… Les parents, au bord de la crise de nerf, font tout pour « épuiser » leurs enfants en huis clos. Pas le choix que de tenir le coup et de réussir à ne pas craquer.

Il y a ceux qui sont en télétravail, c’est la frustration ultime. C’est être assis entre deux chaises. C’est un inconfort de travailler depuis chez soi pour ceux qui n’ont pas l’habitude. C’est du luxe pour les casaniers. C’est un enfer pour le combo gagnant : enfant/télétravail.

Il y a les créatifs qui rugissent comme des volcans, sillon par sillon, qui font éclore une ébauche inattendue qui permet à la frustration de se dissiper frugalement.

Il y a les gens seuls qui ne le sont plus grâce au partage, aux appels vidéos et grâce aux messages vocaux. Il y a une majeure partie de la France qui patiente, qui attend que la vague invisible passe et emporte le moins de monde possible, en espérant qu’elle épargne ceux que l’on aime le plus au monde.

L’homme gît dans cette oisiveté abrupte et s’agite dans un survivalisme digital. Tandis que, le corps médical Français se trouve au front et brave l’insoutenable, l’invisible adversaire, et sauve les siens du mieux qu’elle peut. Tandis que, les livreurs continuent d’approvisionner la France d’aliments et de vider les entrepôts des super-marchés. Tandis que, les éboueurs continuent de nettoyer les espaces publics silencieux.

Au sein de cette ambivalente atmosphère, la France se bat pour respirer et continuer à vivre.